Promenade

 

Forcément la nature. Bonne fille, elle nous tend les bras. Sans compter. On épinglera deux manières de l’investir. D’abord, il y a la balade avec ses errances inattendues, son frisson irrésistible pour l’aventure, la possibilité radieuse d’une tangente improvisée.

Serait-elle faite pour nous perdre?

Ensuite, il y a la promenade. Pas seulement, celle des prisonniers.

On pense à ce rituel étriqué avec ou sans chien. Cet indispensable besoin de se mouvoir pour mieux se vider la tête, pour évacuer nos chimères et notre trop plein d’urbanité. Peu importe le lieu. L’essentiel est de bouger. Une fois la tête dans les étoiles, la pensée sur orbite, ce sont les habitudes du corps et les réflexes de l’instinct qui entrent en scène.

On déambulera à la manière de zombies rêveurs et apaisés. On arpente les chemins en s’accrochant à une poignée de repères inamovibles: épineux à la croisée des chemins, prés aux troupeaux dispersés, potale désolée, pièces d’eau immuables, fanges obscures, …

Et pourtant, sous le feu de notre imagination et avec les caprices de la météo, chaque promenade revendique obstinément sa singularité, sa part unique de ravissement. A chaque fois, une nouvelle conjuration de la lumière, un agencement inédit des couleurs. Et c’est ce jeu vertigineux des variations que nous retrouvons dans l’œuvre  de René Weling. Un déploiement de paysages vers l’infini. Entre totale transparence et noir absolu, les jets de couleur  trouvent leur respiration.

Va-t-on pouvoir trancher? Quand l’artiste se frotte au défi d’une telle multiplication est-ce pour conjurer sa mélancolie face à une réalité  qui finit toujours par lui glisser entre les doigts? Ou bien trouve-t-il un moment de jubilation avec des lignes de fuite qui saluent  sa toute-puissance de rêver, créer, être affecté?

Et en connaissent le parcours de René, on imagine mal que ce travail sur les nuances de la lumière se transforme en zone de confort. Notre petit doigt nous dit qu’il continuera à se coltiner aux  limites du dehors. Peut-être va-t-il encore nous bouleverser avec  l’irrespirable du monochrome, nous perdre dans le bégaiement de lignes d’horizon mal définies.

 Dany Habran

RENÉ WELING

Gravures Peintures